23/06/08

Travail de Fin d'Etude (2)

Chapitre quatrième : Le planisme « inéluctable ».

Beaucoup de socialistes affirment que le planisme est inéluctable, de fait de circonstances échappant à notre volonté. Ce n’est pas un argument très développé, mais à force d’être répété, celui-ci prend la force d’un fait accompli, il est le produit d’opinions propagées et amplifiées durant plusieurs décennies, ces opinions ayant fini par dominer notre politique entière.

Le problème principal est, non pas le système de concurrence, mais au contraire le fait qu’il existe une tendance du marché vers le monopole, et que, du coup, nous n’avons plus le choix qu’entre le monopole et le contrôle de l’Etat. Cette tendance n’est, en fait, que le résultat de la politique pratiquée dans la plupart des pays, une politique de protectionnisme général, les aspirants au monopoles demandant (et obtenant) souvent l’aide des pouvoir publics. C’est également confirmé par l’histoire du déclin de la concurrence dans divers pays, et si ces phénomènes avaient été avéré comme résultat du progrès technique ou une nécessaire évolution du capitalisme, ils seraient logiquement apparus dans des pays ayant un système économique plus avancé. Mais ce n’est pas le cas, la tendance au monopole est d’abord apparue (au cour du des dernières décennies du XIXè siècle) dans deux pays industriels assez jeunes : les Etats-Unis et l’Allemagne. Dans ce dernier pays, la croissance des cartels et des syndicats a été encouragée depuis 1878 par une politique systématiquement protectionniste, mais également à la contrainte afin de favoriser la création de monopole (qui avaient alors pour mission de réguler les prix et les ventes). Les penseurs socialistes virent là la preuve formelle que le système de concurrence menait inévitablement à un système de « capitalisme de monopole ».

Mais tout cela était pourtant évitable, et n’était en fait que le résultat d’une politique délibérément adoptée par l’Etat. L’exemple de l’Angleterre, qui, jusqu’en 1931 évoluait dans un système relativement libéral et qui, dès cette époque, se mit à adopter une politique protectionniste.

Il n’y a, en fait, d’inévitable que les choses que nous voulons ou pensons être inévitable.

Un autre argument selon lequel le planisme serait inéluctable est le fait des progrès techniques de notre civilisation, qui créerait des problèmes nouveaux que nous ne pouvons pas espérer traiter efficacement autrement que par un système planiste. Cet argument est faux. Aucun centre ne peut connaître totalement, ni rassembler et disposer assez vite des détails nécessaires à propos des modifications qui affectent l’offre et la demande de divers produits. Notre société et son organisation nécessitent d’un appareil qui enregistre les effets des actions individuelles dont les indications sont en même temps la résultante et le guide de chacune des actions individuelles. Et c’est précisément ce que fait le régime des prix dans un système de concurrence.

Une autre théorie planiste, qui prétend qu’il existe une relation entre la croissance des monopoles et le progrès technique, emploie des arguments contraires à ceux que je viens de résumer. Cette théorie affirme qu’il sera impossible d’user d’une grande partie des possibilités d’une quelconque technique si on ne se défend pas contre la concurrence. Théorie facilement réfutable, du fait qu’elle se base sur une confusion entre la valeur technique considérée d’un point de vue scientifique, et la valeur envisagée au niveau de l’ensemble de la société. Et même s’il est vrai qu’imposer une standardisation permettrait d’obtenir un accroissement de l’abondance suffisant pour compenser la restriction de choix, ce serait ramener un vieux débat sur la table sur le fait de savoir s’il faut choisir entre obtenir un avantage par la contrainte, ou choisir en toute liberté. L’avantage de ce dernier choix est de laisser le champ libre au progrès futur imprévisible, malgré que ça reste le sacrifice immédiat d’un avantage matériel. Car s’il est vrai que les diverses inventions nous ont donné un pouvoir considérable, il est stupide de dire que nous devrions nous en servir afin de détruire l’héritage qui nous est le plus précieux : la liberté.

On peut s’interroger sur le pourquoi du fait que le planisme attire à lui tant d’experts techniques. La réponse est relativement simple : toutes leur idées pourraient être réalisées assez rapidement si ça devenait le seul but de l’humanité. « C’est parce qu’il voit ses ambitions frustrées dans son propre domaine que le spécialiste se révolte ».

Chapitre cinquième : Planisme et démocratie.

Tous les systèmes collectivistes peuvent être définis de cette manière : l’organisation des travaux de la société en vue d’un but social déterminé. La seule chose par laquelle ils diffèrent est la nature du but vers lequel ils tendent, pour se retrouver dans la haine du libéralisme, du capitalisme et de l’individualisme.

Mais ils ont oublié une chose : c’est que la morale n’est pas une. On ne peut créer un code éthique pour l’humanité entière, car celui-ci devrait diriger toutes nos actions et nos choix conformément à un plan unique, ce qui présumerait que tous nos besoins sont placés à leur rang dans un ordre de valeur assez complet pour permettre de choisir entre les différentes directions qui nous sont offertes par le système. La morale n’est, en fait, qu’une simple limite autours de la sphère à l’intérieure de laquelle l’individu peut faire ce que bon lui semble.

L’individualisme ne part pas, comme certains le prétendent souvent, d’une base égoïste, mais du fait que les limites de notre pouvoir d’imagination ne permettent pas de créer dans notre société une échelle de valeur, puisque celles ci n’existent que de façons partielles dans l’esprit de chaque homme, elles sont inévitablement diverses, et parfois incompatibles. L’individualisme conclut, à partir de là, qu’il faut laisser l’individu libre de se conformer à ses propres valeurs, à l’intérieur de limites assez vastes préalablement déterminées , et que dans cette optique, les fins personnelles de l’individu doivent être supérieures et échapper à la dictature d’autrui. « Reconnaître l’individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, croire que dans la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes, telle est l’essence de l’individualisme ». L’action commune, elle, étant limitée aux domaine où les individus sont d’accord sur des fins communes, créant dans ce but certaines organisation, comme l’Etat, qui ne restent finalement que des « personnes ». Ce n’est d’ailleurs qu’au moment où l’Etat se met à gouverner au-delà des accords qui ont aidé à sa naissance, qu’il devient dangereux pour les libertés individuelles.

C’est à ce moment qu’on voit ce qui peut arriver quand la démocratie s’engage dans la voie du planisme, qui requiert plus d’accord qu’il en existe, car les gens se seront mis d’accord sur le fait qu’un planisme centralisé est nécessaire, mais non sur le but final de ce plan. Alors on s’en remettra aux assemblées, qui marqueront leur inaptitude à exécuter ce qui parait être un mandat très clair du peuple, et ainsi discréditeront les institutions démocratiques aux yeux des planistes.

Et la faute n’est ni aux députés, ni aux institutions parlementaires, mais aux contradictions inhérentes à leur travail. On ne leur demande, en effet, pas d’agir là où ils peuvent se mettre d’accord, mais de se mettre d’accord sur tout, sur l’ensemble de la direction des ressources d’un pays. Et c’est parce que le système qui donne la décision à la majorité est inapproprié à cette tâche qu’elle échoue. Un plan digne de ce nom doit avoir une conception unitaire, et même si un parlement pouvait en procédant pas à pas, se mettre d’accord sur un projet, il ne satisferait certainement personne en définitive :

« Hitler na pas eu besoin de détruire la démocratie : il a simplement profité de sa décrépitude, et, au moment critique, il a obtenu l’appui de bien des gens qui, tout en détestant Hitler, le considéraient cependant comme le seul homme capable de faire quelque chose. »

Finalement, la démocratie n’est qu’un moyen pour sauvegarder la paix et les libertés individuelles. Il faut bien entendu souligner que ce n’est pas que la dictature supprime inévitablement la liberté, mais plutôt que le planisme mène toujours à la dictature du fait des arguments cités ci-dessus. Et que la dictature est le moyen le plus efficace de cœrcition afin d’arriver à un idéal défini.

Chapitre sixième : Le planisme et la règle de la loi.

Le gouvernement démocratique est lié, dans tous ses actes, par des règles immuables et préétablies, qui permettent de savoir que dans telles ou telles condition, le gouvernement réagira d’une façon déterminée. Ca permet, notamment, à chacun d’accorder sa conduite à ces prévisions, de vaquer à ses occupations tout en sachant que le gouvernement n’emploiera pas ses pouvoirs à le frustrer délibérément des fruits de ses efforts.

L’Etat libéral est un état amoral, impartial. Là où un Etat collectiviste dirige les actes de chacun vers des fins déterminée, là où l’Etat n’est alors plus une machine utilitaire dont le seule but est l’épanouissement le plus complet de l’individu, il devient alors un Etat moral.

« C’est la règle formelle de la loi, c’est l’absence de certaine catégorie de gens privilégiés qui garantit l’égalité devant la loi. »

Et cette égalité devant la loi est en contradiction avec tout effort gouvernemental visant à réaliser l’égalité matérielle entre tous les hommes. Les inégalités économiques dues à la règle de la loi ne touchent pas une catégorie de gens particuliers, c’est bien là l’objectivité de cette loi (qui doit évidemment être appliquée également en n’importe quelle situation, même si ça nous parait injuste).

Kant disait à ce sujet :
« L’Homme est libre aussi longtemps qu’il n’obéit à personne sauf aux lois ».

En effet, on ne peut nier que Hitler a obtenu le pouvoir de façon démocratique, cependant, ce qu’il a accompli ensuite n’est pas légitime d’un point de vue juridique. Dans une société planifiée, la règle de la loi ne peut subsister, car les pouvoirs coercitifs du gouvernement n’y seront plus limités par des règles préétablies. Car c’est en donnant à un gouvernement des pouvoirs illimités qu’un rend légale la gestion la plus arbitraire d’un pays : de cette façons, un despotisme le plus absolu peut, peu à peu, s’installer dans le pays.

Chapitre septième : Contrôle économique et totalitarisme.

« La démocratie politique peut subsister à condition qu’elle s’occupe de tout sauf des questions économiques » ainsi parlait Stuart Chase. Au contraire des théories de cet homme, la plupart des spécialistes du planisme pensent que l’économie dirigée, telle qu’ils la désire, doit être administrée par des moyens totalitaires. Au niveau des salaires, il est clair que quiconque détermine la rétribution, interdit dans un même temps le choix que l’argent autorise : il en fixe donc la nature en même temps que l’importance. Et en sachant que, pour le libéralisme, l’argent est un des plus beaux instruments de la liberté, le planiste qui désire réglementer la rétribution commet également pour eux une atteinte aux libertés individuellesà la liberté.

On peut comprendre le mépris des considérations uniquement économiques du fait simple qu’il n’existe pas de mobile purement économique, et c’est ainsi que se justifient certaines thèses selon lesquelles les questions économiques doivent être traitées secondairement dans l’existence de l’individu. Pourtant, aussi longtemps qu’une perte économique n’entrave pas la satisfaction de nos désirs, elle ne nous frustre pas tant que nous disposons librement de nos revenus. Le fait est qu’une perte est « uniquement » de caractère économique si nous sommes en mesure d’en détourner les effets vers nos besoins moins importants. L’individu aurait donc, dans une société libérale, à résoudre lui-même les problèmes économiques de sa vie, être contrôlé dans ce domaine signifierait toujours être contrôlé, et il semble évident que le contrôle économique est le contrôle de la vie même. Dans une société où l’économie serait d’un type de planisme centralisé, la société aurait alors pour mission de résoudre les problèmes économiques à la place de l’individu.

Et dans cette optique de diriger l’économie (et de là, notre vie privée), l’Etat planificateur exercerait également un contrôle sur notre consommation, et ce, par un contrôle systématique de la production nationale. Car, s’il est courant dans un système libre, de s’adresser ailleurs si notre choix parait insuffisant quelque part, dans une société monopoliste, cette capacité serait impossible, et ce monopole ne disposera pas seulement du pouvoir de décider du gain qu’il fera sur un produit, mais également de la décision quant à ce que nous recevrons et à quelles conditions. Ce n’est pas notre liberté qui décidera de nos préférences et de ce que nous pouvons acquérir ou non, mais une autorité supérieure qui exercera cette tâche.

Dans une société planiste, nos propres efforts ne nous permettraient pas de changer notre condition, ce qui rendrait alors intolérable des situations où le simple fait de penser que nous pouvons, par notre travail personnel, nous sortir d’une situation désagréable, nous ferait penser à un possible futur meilleur, même si nous n’avons pas nécessairement la force de caractère pour faire certains sacrifices dans cette optique. Le but final du planisme est, en fait, de faire de l’homme plus qu’un simple moyen de production au service de la société, l’individu le serait en effet plus que jamais, parce que le plan ne tient pas compte des préférence individuelles, l’Homme sera utilisé par l’autorité, sans égards, au service d’abstraction comme le « bien-être social » ou le « bien de la communauté ».

Une question reste, cependant, c’est de savoir si la réalisation d’un idéal de justice conçu par une personne déterminé n’entraînerait pas, en fait, plus de mécontentement et plus d’assujétion humaine qu’un système libre n’en a jamais produit. Car on dit souvent qu’il n’y a pas de liberté politique sans liberté économique.

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